L’intimité et la conformité à Christ au travers du feu de la souffrance

Pour Ignace de Loyola (1491-1556), le boulet de canon qui lui a brisé la jambe a joué un rôle essentiel dans son réveil spirituel. Pour Martin Luther, ce fut la menace de la foudre. Leur point commun est leur appartenance à la tradition chrétienne courante qui enseigne une leçon bien inconfortable : la souffrance sanctifie.

Nous retrouvons des récits similaires dans toutes les Écritures, et dans toutes les églises, presque tous les jours. Nous pourrions souhaiter que la foi grandisse surtout dans les temps de prospérité, mais la voix de la foi dit : « Jésus, viens à notre secours ! » Et ces mots nous viennent plus naturellement lorsque nous sommes faibles et incapables de nous en sortir seuls. La croissance peut être déterminée, en partie, par le nombre de mots que nous disons à notre Seigneur, et nous avons tendance à en prononcer plus lorsque nous avons atteint la limite de nos capacités.

La souffrance nous sanctifie. Dieu nous éprouve afin de nous façonner. C’est un fait, et le fait de le savoir peut nous aider à faire face aux difficultés et défis de la vie quotidienne. Mais le fait de le savoir nous semble moins réconfortant si nous vivons le décès d’un enfant, la trahison d’un bien-aimé, ou la victimisation qui nous laisse brisés. C’est alors que le lien entre l’épreuve et la bonté purificatrice de Dieu peut progressivement conduire à une relation dans laquelle vous cohabitez avec Dieu, mais ne lui adressez que rarement la parole.

Nous nous attendons à vivre certaines épreuves sanctifiantes, mais pas celles qui frôlent l’indicible. Lorsque celles-ci surviennent, la notion qu’elles nous sanctifient peut nous sembler inutile. Nous dirions peut-être à un ami qui a eu une crevaison : « Comment Dieu te fait-il grandir à travers cela ? », mais nous savons que nous ne devrions jamais poser une telle question à quelqu’un quand « l’eau menace ma vie » (Psaume 69.1). Le principe fondamental est vrai : Dieu nous sanctifie à travers la souffrance. Il y a toutefois des façons plus élégantes et plus personnelles d’en parler.

Nous nous attendons à vivre certaines épreuves sanctifiantes, mais pas celles qui frôlent l’indicible. Lorsque celles-ci surviennent, la notion qu’elles nous sanctifient peut nous sembler inutile.

La sanctification est une relation d’intimité

Une approche plus utile consiste à d’abord rafraîchir notre compréhension de la sanctification.

Commençons par une définition courante : la sanctification est une croissance dans l’obéissance. Le problème se pose lorsque cette définition s’éloigne de ses ancrages profondément personnels. Dans ce cas, la souffrance devient le plan de Dieu pour faire de nous de meilleures personnes, des soldats plus forts et aguerris qui ne reculent pas après une simple blessure. Tout cela, bien sûr, ressemble plutôt à un père qui prépare ses enfants à partir et à voler de leurs propres ailes, ce qui est exactement le contraire de ce que Dieu désire pour nous. Si nous restons dans cette perspective, le principe selon lequel « la souffrance sanctifie » fera éroder la foi.

Bien entendu, la sanctification est beaucoup plus intime. « Christ aussi a souffert, et ce une fois pour toutes, pour les péchés. Lui le juste, il a souffert pour des injustes afin de vous conduire à Dieu. » (1 Pierre 3.18). Jésus est mort pour nous rapprocher de Dieu, et notre obéissance est au service de cette proximité. Dans cette perspective, le péché et toute forme d’impureté nous éloignent de Dieu. La sainteté, ou la sanctification, nous rapprochent de Dieu.

Une intimité progressive

Pensez au Tabernacle de l’Ancien Testament. Les impurs, dont faisaient partie les nations étrangères et les personnes contaminées par les péchés des autres, étaient les plus éloignés du lieu de la présence de Dieu, dans le lieu très saint. Les purs étaient plus proches. Ils campaient autour de la maison de Dieu et pouvaient s’approcher librement pour adorer et offrir des sacrifices. Les prêtres, ceux qui étaient saints, étaient encore plus proches. Ils étaient invités chaque jour, à tour de rôle, dans le lieu saint, et une fois par an, le jour des expiations, le grand prêtre osait entrer dans le lieu très saint. Le grand prêtre présente une image de l’humanité telle que Dieu l’a voulue : purifiée et proche de lui.

Pour nous, nous avons été sanctifiés une fois pour toutes par l’obéissance de Jésus-Christ (Hébreux 10.10) et notre foi en lui. Nous sommes maintenant des saints. De ce lieu, le lieu très saint, Dieu nous invite à nous rapprocher encore plus près, et notre obéissance et notre amour pour lui sont les moyens par lesquels nous nous rapprochons. Dans son livre sur le Lévitique, Michael Morales suggère utilement l’intimité progressive comme alternative à la sanctification progressive.[1]

Ce modèle céleste de rapprochement par l’obéissance se déverse dans l’ADN même du mariage : un couple marié a été rapproché par leurs déclarations d’engagement l’un envers l’autre, puis, pour le reste de leur vie, ils continuent à se rapprocher par la croissance de leur amour qui est ancré dans leur alliance.

Les mystères de la souveraineté

« La souffrance sanctifie » suggère que Dieu amène intentionnellement la souffrance dans nos vies. Il en ordonne chaque détail.

La sanctification ayant été comprise de manière plus personnelle, nous nous tournons maintenant vers notre compréhension de la souveraineté de Dieu. « La souffrance sanctifie » suggère que Dieu amène intentionnellement la souffrance dans nos vies. Il en ordonne chaque détail. C’est un fait, mais certaines façons de parler de la souveraineté de Dieu peuvent porter à confusion et ne pas être conformes à l’emphase des Écritures.

La souveraineté de Dieu n’est pas une invitation à trouver un sens parfait à la coexistence de sa puissance et de son amour dans chaque détail de notre souffrance. Au contraire, sa souveraineté nous rappelle que nous devons nous approcher de lui comme des enfants qui font confiance à leur Père et à son amour. Un enfant comprend l’amour, et l’amour de Dieu est, en effet, une étendue insondable qu’il nous invite à explorer. Il nous apporte aide et sagesse lorsque nous considérons que « Celui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi avec lui toutes choses ? » (Romains 8.32).

L’abus le plus honteux ne nous séparera pas de Dieu, ce qui est certainement contre-intuitif lorsque nous nous sentons comme un paria parmi les impurs. Lorsque nous le verrons face à face, nous nous reposerons sur (et même nous réjouirons de) son juste jugement contre les oppresseurs, et nous serons complètement purifiés des actes méchants commis à notre encontre. En d’autres termes, la souveraineté de Dieu nous invite à faire confiance à notre Père qui rétablira tout, y compris dans la création elle-même.

Comment la souffrance nous attire

Alors, comment la souffrance sanctifie-t-elle ? Comment Dieu nous sanctifie-t-il au milieu de la souffrance ?

Voici de quelle manière : avec une compassion sans limites, Dieu se précipite vers nous. Il s’approche et vient au milieu de nos fardeaux. Il entend les cris de son peuple, ce qui signifie qu’il va agir (Psaume 10.14). Tout cela est vrai. Satan voudrait que vous pensiez autrement, mais c’est la vérité.

« Je suis le serviteur souffrant. Parle-moi. » L’Esprit vous invite à voir et à entendre Jésus, le serviteur souffrant. La misère d’un mystérieux serviteur dans Ésaïe 52-53 annonce son histoire. La dernière semaine de la vie de Jésus en Jean 10-21 le révèle pleinement. En Jésus, vous trouvez celui qui vous est le plus proche, qui connaît votre expérience à travers la sienne. Il vous comprend sans que vous ayez à lui expliquer les détails. En l’observant, vous remarquerez que la liste des abus dont il était victime ne fait que s’allonger. Peut-être serez-vous stupéfait de voir la nature universelle du rejet et de l’humiliation qu’il a connue.

Ensuite, il y a un tournant inattendu. « Il était blessé à cause de nos transgressions » (Ésaïe 53.5), autrement dit, pour vos transgressions. Quel est le lien entre votre péché et votre souffrance ? Lorsque Jésus a pris votre péché, il vous a assuré que rien ne peut vous séparer de l’amour de Dieu, et il a ouvert une brèche dans le mur de la douleur où habitaient Satan, la mort, la honte, le péché et la misère. C’est à cette forteresse que Jésus a annoncé leur disparition.

Lorsque vous lisez les Psaumes, vous pouvez presque entendre Jésus vous demander : « Est-ce que c’est comme ça que tu te sens ? » Sa demande pour que vous lui parliez est sincère, et il attend patiemment vos mots.

Ensuite, Jésus rend tout cela encore plus personnel. Il vous attire à lui. Il vous invite à lui parler. « Épanchez votre cœur devant lui » (Psaume 62.9). Il est vrai que la prière peut être beaucoup plus difficile qu’elle n’y paraît, alors il vous donne des mots pour remplacer ces silences indicibles. Lorsque vous lisez les Psaumes, vous pouvez presque entendre Jésus vous demander : « Est-ce que c’est comme ça que tu te sens ? » Sa demande pour que vous lui parliez est sincère, et il attend patiemment vos mots.

En réponse, vous brisez votre silence. Peut-être que vos mots vous font sursauter, non pas à cause de leur honnêteté, mais simplement parce que vous lui avez si peu parlé récemment.

« Mais comment le mal a-t-il pu avoir une telle liberté dans ma vie ? Pourquoi m’as-tu caché ton visage ? Comment as-tu pu permettre… » Par ces mots, il vous rapproche de lui. Elles sont l’expression de votre foi en Dieu. Vous avez été sanctifiés. Vous l’avez écouté. L’incrédulité se détourne ou se déchaîne tout simplement ; la foi répond à Dieu, s’approche et insiste, avec des mots façonnés par l’Écriture. Jésus lui-même a posé ces mêmes questions à son Père.

Après d’autres échanges de paroles, Dieu vous invite à grandir en tant que son enfant. « Je suis ton Dieu et ton Père. Tu peux me faire confiance. » Il vous a donné la preuve qu’il est digne de confiance. Il ne vous oubliera certainement pas, pas plus qu’il n’oubliera les gestes qui ont été commis contre vous. (Ésaïe 49.16). Est-ce que vous le croyez ? C’est la vérité.

Il dit : « Approche-toi, comme mon enfant, et fais-moi confiance. » Vous répondez : « Oui, je crois ; viens au secours de mon incrédulité. J’ai confiance en toi, mais s’il te plaît, augmente ma foi. »

C’est l’une des façons dont la souffrance sanctifie : elle nous rapproche de Dieu.

 

[1]Who Shall Ascend the Mountain of the Lord [Qui montera sur la montagne du Seigneur ?]

Lire la suite : L’intimité et la conformité à Christ au travers du feu de la souffrance sur Evangile 21.