On a demandé à un vieux prêtre, lors de son départ à la retraite : « Qu’avez-vous appris après avoir entendu tant de confessions ? »

« J’ai appris que les gens sont plus malheureux et moins bons que je ne le pensais. »

Je comprends pourquoi il dit que les gens sont moins bons. Après tout, ce sont des confessions qu’il recevait. Cependant, mon expérience est un peu différente. J’ai découvert que les gens sont à la fois moins bons et meilleurs que je ne le pensais. En tant que conseiller ayant le privilège de connaître les détails de la vie des gens, je dirais que ce qui me surprend le plus chez les gens, c’est le meilleur. L’Esprit de Dieu est vraiment avec eux.

Le vieux prêtre a bien raison de dire que les gens sont « plus malheureux ». Récemment, j’ai demandé à mes étudiants de parler à quelqu’un qui a connu la souffrance. Personne n’a dû chercher plus loin que la personne assise à côté d’eux à l’église, pour entendre une histoire. Ces histoires étaient sources d’inspiration, de méditation, souvent d’espoir, et toujours de tristesse. Il y a, en effet, plus de misère que nous ne l’imaginons dans nos quartiers et dans nos assemblées locales.

En lisant ces histoires, et en considérant de nombreuses histoires personnelles, j’ai toujours cherché à distinguer ce qui avait été utile de ce qui n’avait pas été utile. Toute personne ayant côtoyé la souffrance peut aisément rédiger une liste de l’un ou de l’autre. Voici une phrase que j’ai souvent vue sur la liste du « Pas utile ». Je l’ai tellement entendue que cela mériterait d’être gravé dans notre sagesse pastorale.

« Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi, n’importe quand. »

Il y a plus de misère que nous ne l’imaginons dans nos quartiers et dans nos assemblées locales.

Les personnes souffrantes sont généralement pleines de grâce, et sont assez tolérantes face à nos remarques irréfléchies. J’ai donc été surpris que cette phrase soit si souvent évoquée. Ceux qui l’ont mentionnée n’ont pas précisé que ce commentaire n’avait aucun sens, bien que ce soit le cas. Ils ont plutôt dit qu’il était en fait inutile. Pourquoi ? D’habitude, je ne pose pas cette question, mais je peux rassembler certains des éléments de réponse reçus :

Si les « consolateurs » connaissaient un tant soit peu ce qu’est la vraie souffrance, ils sauraient que les personnes qui souffrent ne savent généralement pas ce qu’elles veulent ou ce dont elles ont besoin.
Si les consolateurs connaissaient un tant soit peu la personne qui souffre, ils sauraient ce qu’elle veut ou ce dont elle a besoin.
Si les consolateurs connaissaient vraiment la personne qui souffre, ils sauraient que jamais elle ne les appellerait. Jamais.

Cette phrase équivaut à dire « ciao, à plus tard », ou « je t’aime, appelle-moi un de ces jours » ou toute autre salutation vide de sens. La personne qui parle ne tient pas vraiment compte des besoins et de la situation de la personne qui souffre, et cette dernière le sait.

Ne dites donc à personne « Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi, n’importe quand. » Reléguons cette phrase aux oubliettes afin qu’elle n’apparaisse plus jamais sur la liste du « Pas utile ».

Ça, c’est la mauvaise nouvelle. La bonne nouvelle, bien sûr, c’est que les mêmes personnes qui ont entendu cette phrase « appelle-moi », ont également été bénies par des amis qui ont fait le contraire : ces amis n’attendent pas d’être contactés, mais ils cherchent plutôt à comprendre ce qui serait utile, et ils passent à l’action.

Les personnes souffrantes sont généralement pleines de grâce, et sont assez tolérantes face à nos remarques irréfléchies.

Ces « anges » – j’ai entendu de nombreux souffrants utiliser ce qualificatif – agissent en deux étapes. Ils commencent par écouter et comprendre la personne qui souffre. Ils repèrent les listes de choses à faire qui s’allongent et deviennent impossibles à accomplir. Ils identifient les tâches qui sont particulièrement importantes. Ils ne se précipitent pas pour effectuer un travail anodin ou encore des tâches qui laissent encore plus de désordre après leur passage. Par exemple, quelqu’un pourrait regarder mon rangement chaotique de livres et tenter de me servir en organisant ma bibliothèque comme un professionnel – et je n’arriverais plus à retrouver mes livres pendant la prochaine année (cela est réellement arrivé, mais non parce que je souffrais. Ma femme pourrait vous raconter l’histoire : un petit projet de rénovation du bureau qui était censé être une surprise, et qui l’a été, mais…). Un bon ami est capable d’identifier ce qui serait vraiment utile.

Ensuite, ces amis agissent. Ils font toiletter le chien, lavent la vaisselle, passent déposer un repas, tondent le gazon, gardent les enfants, apportent un repas et le mangent avec vous, nettoient la maison, vous conduisent au petit groupe de l’église, écrivent un petit mot d’encouragement, puis un autre et un autre, prennent rendez-vous chez le coiffeur pour vous, etc.

Chacun de ces gestes d’amour et de service facilite vraiment la vie de la personne qui souffre. C’est une aide véritable. Mais un repas n’est jamais un simple repas ; un coup de ménage n’est jamais juste un peu de ménage. Ces gestes disent à la personne qui souffre : « Je ne t’oublie pas », « Je pense souvent à toi », « Tu es sur mon cœur », « Je t’aime ». Comme on dit : cela n’a pas de prix.

Dans le doute, et si vous craignez de réorganiser leur bibliothèque sans le vouloir, vous pouvez demander des idées à ceux qui connaissent le mieux la personne qui souffre. Il n’y a rien de mal à adopter une approche directe et à demander à la personne qui souffre : « Cela t’aiderait-il si ______ ? » C’est très bien, mais sachez qu’il ou elle hésitera. Ce qui est précieux dans le fait de consulter les amis et la famille, c’est que vous accordez encore plus d’attention aux besoins de la personne souffrante. C’est le temps que vous consacrez à l’élaboration d’une stratégie créative qui constitue la force de ces gestes. C’est un amour sans équivoque, qui imite la planification stratégique de la mission de sauvetage du Dieu trinitaire. Il a planifié et agi avant même que nous connaissions nos besoins réels.

Il est vrai qu’il y a effectivement plus de souffrance autour de nous que nous ne l’imaginons, mais ceux qui connaissent le malheur devraient pouvoir dire qu’il y a aussi plus de réconfort qu’ils ne l’imaginaient, et que Dieu utilise souvent des personnes comme des anges de réconfort dans leur vie.

Lire la suite : D’autres choses à ne pas dire à ceux qui souffrent sur Evangile 21.